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La “méthode Singapour” ? Quesako ?

Depuis les résultats de la dernière étude PISA publiée fin 2016, on nous rabâche que Singapour, en tête de ce classement, a les méthodes pédagogiques les plus efficaces. Les autres pays, n’ont de cesse de vouloir comprendre ce qui s’y passe… Mais qu’est-ce que c’est que cette méthode Singapour exactement ? Que faut-il prendre, que faudrait-il laisser ? Quelques explications…

1)    Des principes de base

Selon le Dr Yeap, professeur-formateur en mathématiques, les singapouriens n’ont rien inventé, ils se basent sur des théories déjà connues et occidentales. Quelques règles de bases que nous avons parfois oublié dans nos écoles…

A) Les enfants apprennent en faisant

C’est la théorie de Jerôme Bruner, psychologue américain : « learning by doing ». La manipulation est cruciale. Vouloir faire rentrer dans le cerveau des connaissances sans les expérimenter serait inadapté et inefficace.

“Le moyen le plus efficace de développer un système de codage est de le découvrir plutôt que de l’entendre dire par un enseignant.” Jérôme Bruner

B) Les enfants apprennent en parlant

C’est un non-sens de vouloir faire taire les enfants, ils se nourrissent les uns des autres, ils développent leur esprit critique et se socialisent par le langage. Jean Piaget, psychologue Suisse, divise l’apprentissage des enfants en plusieurs périodes. Il met l’accent sur le temps d’apprentissage, n’accomplir qu’une tâche à la fois, accompagnez les enfants plus que les presser, en résumé : « enseigner moins, apprendre plus ».

« L’objectif principal de l’éducation dans les écoles devrait être la création des hommes et des femmes qui sont capables de faire de nouvelles choses, pas simplement répéter ce que d’autres générations ont fait ; des hommes et des femmes qui sont créatifs, inventifs et découvreurs, qui peuvent être critiques, vérifier et ne pas accepter tout ce qu’on leur offre. » Jean Piaget

2)    Les mathématiques concrètes ou la méthode Singapour

L’apprentissage des mathématiques n’est pas une technique routinière, ce n’est pas du calcul, encore moins un apprentissage par cœur. Il s’agit de penser, de résoudre des problèmes, de comprendre les choses.

La « méthode Singapour » est avant tout une façon de parler pour nommer cette approche. En effet, c’est une approche concrète et visuelle pour expliquer les notions abstraites que sont les maths. Cette méthode propose donc de passer progressivement du concret à l’abstrait. Par exemple, calculer 3 + 2 :

JeromeBruner_Approche CPA méthode singapour

La manipulation (cubes, barres…) est donc primordiale, elle permet de mettre du sens (plutôt qu’apprendre la technique pour poser une opération). Elle permet aussi la résolution de problème (essais / erreurs). Il ne faut pas sous-estimer les connaissances des enfants, ils construisent à partir de leurs intuitions, pas seulement de leurs apprentissages. Certains jeux utilisent d’ailleurs les fameuses réglettes Cuisenaire pour concrétiser les chiffres de 1 à 10. C’est le cas d’ 1-10 Maths de Goula, qui propose de construire un chemin en utilisant les réglettes adéquates.

Cette méthode est déjà adoptée dans environ 5000 classes en France, mais cela reste encore une minorité…

Elle est aussi plébiscité par certaines personnalité, par exemple, Jeff Bezos, le patron d’Amazon, l’a choisit pour ses enfants.

3)    Des dérives à éviter

Mais les bons résultats de l’étude Pisa ont aussi un revers… La face cachée de Singapour, c’est l’extrême compétitivité que l’on inflige à ces enfants. En effet, la sélection en secondaire (et plus tard en Université) est telle, que de nombreux enfants sont inscrits à des cours de soutien scolaire, très répandus dans le pays. Tout se joue avant 12 ans… Les journées sont donc très longues et très chargées pour les petits singapouriens. Le prix à payer pour les enfants : manque de sommeil, moins de loisirs… et parfois idées noires. Ce modèle oblige même les parents non favorables à ces rythmes infernaux à les appliquer, de peur de créer un décrochage avec les autres enfants. Même les plus jeunes sont concernés, dès 6 mois, les bébés peuvent être inscrits à des cours de stimulation cérébrale (prétextant le principe de plasticité cérébrale).

Il ne faut pas oublier que la confiance en soi et l’autonomie sont aussi importantes que la performance.

4)    D’autres modèles existent-ils ?

Oui, bien sûr. Même si on ne peut pas vraiment parler de modèle, mais plutôt d’approches différentes. Elles ne sont d’ailleurs pas transférables partout. Par exemple, le modèle Finlandais, également très regardé à travers le monde, est possible grâce à un population limitée et homogène.

Quelques principes néanmoins me semblent essentiels :

  • La formation et la reconnaissance des enseignants: la valorisation est la base de tout système efficace
  • L’environnement scolaire: joue un rôle déterminant dans l’épanouissement et le bien-être des enfants
  • La pluridisciplinarité: les apprentissages ne se limitent pas aux matières traditionnelles, mais laissent aussi une place importante aux activités manuelles et artistiques
  • La pédagogie active: développer l’autonomie et la coopération par des travaux en îlots (plus d’interaction, plus travail d’équipe). Les professeurs ne sont plus en « face à face », mais « côte à côte » avec les enfants. Ils sont appelés par leur prénom.
  • La pédagogie des points forts et qualités humaines : on note la persévérance et on apprend l’empathie.

En France, on pense que l’égalité face à l’école se traduit par un apprentissage commun à tous. En Finlande, on pense que cette égalité repose sur un apprentissage différencié et personnalisé pour chaque enfant.

Ken Robinson, auteur de plusieurs ouvrages sur le système éducatif, prônait également cette vision de « la personnalisation de masse ». A l’instar de ce que l’on peut faire en médecine, avec des traitements spécifiques basés sur une même molécule, ou dans l’industrie où la personnalisation à outrance se développe. Pourquoi ne le faisons-nous pas dans l’éducation ? Je vous conseille ses videos Ted talks, si vous ne les avez pas déjà vues… Il nous a malheureusement quitté le 21 août 2020.

De quoi le monde de demain, les entreprises, les organisations auront-elles besoins ? D’une génération de clones qui font et pensent tous la même chose, ou de personnalités singulières, créatives, capables d’adaptation… ?